L’aventure se poursuit pour notre assistant coach, Ahmed Mbombo Njoya

Ahmed Mbombo Njoya est devenu l’assistant coach des Gazelles l’été dernier. Un an après, son aventure se prolonge pour les deux prochaines saisons. L’occasion de parler de ses missions, de son quotidien et de son avenir aux côtés de nos joueuses.

BLMA : L’été dernier, tu signais ton premier contrat dans la Ligue Professionnelle. Un an après, quel bilan tires-tu de cette expérience ?
Ahmed Mbombo N’Joya : C’est une très très belle expérience. Les choses se sont faites de manière très naturelle. J’ai été contacté par Edwige (Lawson-Wade), j’ai eu un premier entretien avec elle, puis avec Thibaut (Petit) dans la foulée pour me proposer ce poste-là. J’arrivais du Centre de Formation. J’ai rencontré Thibaut dans l’été et on a commencé à travailler de suite. J’ai commencé mon expérience par ce qu’il y a de plus dur, avec deux matchs par semaine, sans connaître les habitudes de travail du coach avec lequel j’allais évoluer. C’était un vrai challenge pour moi. Certains moments ont pu être difficiles, mais globalement, on a réussi à créer un lien. Je me suis adapté à sa manière de travailler, à ce qu’il voulait réellement. Tout s’est très bien passé et derrière, cela a abouti à une prolongation de contrat. C’est génial, je ne retiens que du positif ! Mais il faut vraiment avoir en tête que le maître mot de tout ça, c’est vraiment l’anticipation. Il faut toujours anticiper, prendre de l’avance et avancer. Il faut vraiment créer un lien avec la personne avec qui tu travailles, c’est quelque chose de très important.

BLMA : Tu viens d’en parler, ton contrat a été prolongé pour la saison à venir. Quel est ton sentiment après cette prolongation ? 
Ahmed : C’est une nouvelle très positive. Je veux vraiment m’inscrire dans la durée, continuer et avoir l’opportunité de toujours progresser et évoluer. Ce poste n’est vraiment pas quelque chose que je voyais comme un one-shot. C’est quelque chose où je souhaite m’éclater et grandir. J’ai tout fait pour pouvoir prolonger mon contrat et c’est arrivé. Je suis ici sur une prolongation de contrat de deux ans, afin de me calquer sur le contrat de Thibaut et de poursuivre ensemble notre collaboration.

BLMA : Thibaut et toi travaillez en étroite collaboration. Peux-tu nous expliquer comment s’organise le partage des tâches entre vous deux ?
Ahmed : Tu ne peux pas faire correctement ce métier si tu n’es pas dans une relation de confiance dans le travail. Mais il ne faut pas oublier que cette relation de confiance ne se bâtit pas comme ça, en un claquement de doigts. Il faut faire ses preuves, il faut vivre des choses ensemble pour pouvoir avancer. Le métier de coach est vraiment un métier où l’on est isolé. On est un peu seul, on doit faire des choix. De temps en temps, c’est bien d’avoir quelqu’un dans ton staff avec qui tu travailles : quelqu’un qui va te dire les choses, quelqu’un qui va t’épauler, mais toujours avec bienveillance, dans le but de t’aider. J’ai mes propres opinions sportives, mais c’est Thibaut l’head coach, et je l’accompagne dans ses décisions. S’il veut faire quelque chose, je lui dis : « voici mon avis, voilà ce qu’on peut faire », mais ce sera toujours à lui de prendre la décision. Il faut être dans le partage, et c’est ce que fait Thibaut. Une fois qu’il a réussi à créer une atmosphère de confiance, il aime énormément partager. On se nourrit mutuellement de nos échanges.

BLMA : Tu parles beaucoup de confiance, de partage. Mais concrètement, comment se partagent les tâches entre vous ?
Ahmed : Grosso modo, on va dire que j’ai quatre axes sur lesquels je travaille.
1 – Tout ce qui est scouting : scouting des joueuses adverses sur le plan individuel, mais aussi des formes de jeu du collectif de l’équipe adversaire. Avec deux matchs par semaine la saison dernière, je devais regarder entre quatre et six matchs par semaine… Je travaille sur des logiciels qui me permettent de monter des séquences de jeu pour les montrer à Thibaut. Lui de son coté, il regarde un ou deux matchs, et on croise les informations que l’on a trouvées. Une fois que les infos sont croisées, Thibaut choisit ce que l’on va présenter aux joueuses et je fais le montage final. Une grande partie de mon travail se passe en coulisse.
2 – Derrière ça, j’ai un axe sur le travail individuel des joueuses. Il y a un coach, c’était Nicolas (Perez) la saison dernière, ce sera dorénavant Karim (Diop) qui travaille en collaboration avec nous. Avec Thibaut, en début d’année, on se répartit les joueuses. On a un carnet qui nous permet de suivre le travail qu’on entreprend avec elles. L’an dernier j’ai notamment travaillé avec Alix, Ornella, Laetitia, Michou. On travaille jusqu’en janvier avec elles, et après cette date symbolique, les joueuses peuvent choisir avec qui elles souhaitent collaborer. Généralement, on fait finalement l’année complète avec les mêmes joueuses, afin de garder nos habitudes de travail. En plus, il y a évidemment un lien qui se crée. On travaille ensuite sur le développement individuel de la joueuse, sur demande du coach. Il y a des coachs qui veulent faire progresser leurs joueuses sur leurs points faibles, et d’autres qui préfèrent les rendre encore plus performantes dans ce qu’elles savent faire. Tout cela dépend vraiment de la commande du coach et de la joueuse. Le coach individuel — Karim, et avant, Nico —a des missions plus précises, plus techniques. Par exemple, l’an dernier, Nico avait une commande très précise avec Gabby : augmenter son pourcentage de réussite à 3 points.
3 – Le troisième axe concerne l’accompagnement lors des matchs. Il faut être capable d’analyser ce qui se fait sur le terrain et de donner des informations en temps réel à Thibaut. C’est là aussi que se forge la relation de confiance. Il faut trouver le bon moment pour dire les choses au coach. Je sers par exemple de relai entre la kiné, qui peut me dire, « attention, telle joueuse a un peu mal », et Thibaut. Tout cela se fait en temps réel : il ne peut pas y avoir de loupé.
4 – Enfin, il m’arrive d’intervenir sur les entrainements. On travaille main dans la main avec Thibaut sur le contenu des entrainements. Le coach sait ce sur quoi il souhaite travailler : on échange à ce sujet et on met en place le contenu de la séance. Je peux ensuite, lors de l’entrainement, intervenir sur un bloc de travail, comme par exemple l’échauffement, ou un exercice spécifique sur le tir, sur la défense… Sur certaines séances, il peut arriver que je n’intervienne pas du tout, cela change vraiment d’un jour à l’autre, et il ne faut pas se formaliser par rapport à ça. Je pense que ma présence est également importante pour la vie de groupe, car les filles ont besoin de changement. Par moment, il est important que Thibaut soit direct avec elles, et que moi je sois là pour tempérer ses propos et les pousser en les encourageant. C’est vraiment une alchimie entre Thibaut et moi, et finalement tout un staff.
Je retiens vraiment de cette première année qu’au final il faut être humble, qu’il faut apprendre pour progresser. L’alchimie se fait grâce à l’ensemble d’un staff qui travaille main dans la main.
Pour résumer, il y a le Scouting, le travail individuel, les entrainements et l’accompagnement sur les soirs de match.

BLMA : En tant qu’assistant coach, tu réalises un gros travail sur la préparation vidéo. Comment se gère cet aspect-là de ton travail ? 
Ahmed : C’est donc, comme je le disais précédemment, quatre à six matchs à regarder par semaine. Il y a globalement les deux derniers de l’équipe adverse, ainsi qu’une confrontation directe avec nous si celle-ci a déjà eu lieu. L’idée, c’est vraiment d’analyser les formes de jeu typiques de l’équipe adverse. Cela nous permet, par exemple, de savoir comment contrer une joueuse phare en réduisant son impact. C’est important également d’entendre les « call des plays » (nom de systèmes). J’essaie vraiment, lorsque je scoute, de reconnaître les noms des systèmes pour en informer les joueuses et Thibaut. C’est ensuite un atout considérable au cours du match.

BLMA : Effectivement, nous t’avons vu tout au long de l’année mouiller le maillot pour faire des entrainements individuels avec les filles. Comment cela se passe-t-il ?
Ahmed : Nous avons des échanges réguliers tout au long de l’année avec le coach individuel de l’équipe : Nico la saison dernière, Karim pour la saison à venir. Mais derrière, l’idée est vraiment de créer un lien avec les joueuses, de les accompagner, et cela passe par les entrainements individuels. Parfois, les joueuses ne sont pas en réussite avec leur tir, elles ont envie de s’entraîner, et dans ce cas-là, on est là pour les aider à prendre confiance. Tout ce travail est important. Parfois je prends seulement les rebonds, parfois on travaille plus spécifiquement sur des exercices… Cela dépend vraiment.

BLMA : Pourrais-tu nous dire comment s’organise une journée type de travail pour toi ?
Ahmed : Il est très difficile d’avoir une journée type compte tenu du rythme des matchs, des déplacements. Mais généralement, j’arrive à la salle vers 8h30 après avoir déposé ma fille à l’école. Je commence ensuite par trier les matchs que je souhaite visionner dans la semaine. Je regarde le match une première fois, puis je commence à sélectionner les images que je souhaite montrer. Ensuite, je fais un point avec Thibaut, soit juste avant que je commence, soit après. Il faut savoir également que tous les lundis matin, nous avons des réunions avec l’ensemble du staff technique. Les autres jours de la semaine, nous faisons des points tous les deux. Selon l’urgence, nous pouvons même en faire plusieurs. On échange sur les entrainements qui vont suivre afin de les préparer. Mais il faut avouer que je suis très souvent en train de regarder des matchs pour faire du scouting. On peut résumer en disant que j’arrive, je regarde des matchs, ensuite les entrainements individuels et/ou collectifs ont lieu, puis je regarde de nouveau des matchs, il y a encore des entrainements, puis je passe de nouveau sur de la vidéo. Tout au long de la journée, il y a des échanges avec Thibaut. Il est vrai qu’avec deux matchs par semaine, on est obligé de faire énormément de vidéo ; on pourra refaire la même interview l’été prochain pour voir l’évolution avec un seul match par semaine. Le rythme est établi, et il y a énormément de choses à faire. Cela peut bouger suivant les entrainements, les déplacements…

BLMA : Père de deux enfants, ton quotidien a évolué cette saison. Comment parviens-tu à allier ta vie de famille à la vie professionnelle ?
Ahmed : D’une manière générale, les gens travaillent la semaine, et le week-end, ils se reposent et sont en famille. Nous avons un rythme qui est totalement différent, puisque je travaille la semaine et le week-end. Je n’ai pas de problème de planning, puisque j’ai la chance d’avoir une femme qui est une ancienne athlète et qui comprend donc tout cela. Bien sûr, c’est parfois compliqué. Par exemple, cette année, nous sommes partis dix jours d’affilé, et il a donc fallu réussir à tout gérer… Mais globalement, tout se passe bien. J’essaie d’ailleurs de ne plus travailler chez moi, ou alors uniquement tard le soir afin de profiter de ma famille. Quand je suis chez moi, j’essaie vraiment de laisser le basket de côté.

BLMA : Quelles sont selon toi les qualités les plus importantes chez un assistant-coach ?
Ahmed : À mes yeux, la qualité première d’un assistant, c’est sa capacité à créer un lien avec le head coach. C’est la clé de la réussite et ce, au-delà de ce que tu peux apporter d’un point de vue basket. Si tu n’es pas capable d’être dans une relation de confiance, sachant qu’on vit dans un milieu où les résultats priment, il est impossible de se sentir en sécurité, que cela soit avec les joueuses ou le staff. Du moment que cette sécurité est là, que cette complicité s’est créée, il est possible de travailler sereinement.
Après il faut accepter d’être dans l’ombre. J’ai été entraîneur principal chez les garçons pendant plusieurs années, mais je n’ai aucun souci avec le fait d’être assistant dorénavant, et à être plus en retrait. On fait le travail de l’ombre, mais pour moi, c’est gratifiant d’accompagner quelqu’un dans ses réussites, mais aussi dans ses échecs. Nous sommes surtout tout un staff derrière. Thibaut est à la tête de 3-4 personnes (John – préparateur physique, Nico et prochainement Karim – Coach individuel, Élo et prochainement Clémence – Kiné, et moi) qui doivent tirer dans le même sens. On parle ici de sécurité, de bienveillance. Tout cela doit tourner, et tout le monde apporte sa pierre à l’édifice. Au final, on ne retient que la performance des filles, mais nous sommes tous derrière elles pour leur permettre d’être au top niveau.

BLMA : Quels sont tes objectifs personnels pour la saison prochaine, ceux que tu t’es fixés ?
Ahmed : Pour moi, l’objectif, c’est vraiment de gagner des matchs. C’est bateau, mais mon boulot c’est de faire en sorte que tout soit mis en place pour que l’on puisse gagner des matchs. Qu’on donne tous les moyens aux filles pour qu’elles performent sur le terrain. Tous les jours, c’est vraiment la mission que je me donne lorsque je viens à la salle : « qu’est-ce que je peux faire pour que les filles puissent gagner, pour qu’elles aient le maximum d’informations ? ». Très souvent, ce ne sont que des détails, mais le sport de haut niveau se joue sur des détails. Tous les jours il faut travailler, mais c’est un métier où l’on se doit d’être passionné. On ne peut pas se dire que l’on va compter nos heures, c’est impossible. Dès que tu comprends ça et que cela ne te pose pas de problème, tu apprends quotidiennement. Cela fait des années que je coache, mais je pense que l’une de mes qualités c’est de toujours me remettre en question. J’ai travaillé avec Damien Leroux au Centre de Formation, et j’ai appris des choses. Je travaille avec le coach Américain de la sélection Camerounaise, j’apprends des choses. Je travaille avec Thibaut, j’apprends des choses… J’apprends tout le temps. J’ai des convictions de jeu, mais elles peuvent évoluer parce que je les enrichis.

BLMA : Cette saison a été particulière, avec une fin de saison interrompue. Du jour au lendemain, tes journées se sont stoppées. Comment as-tu vécu le confinement ? Thibaut nous disait d’ailleurs avoir gardé le contact avec le staff et les joueuses afin de préparer la saison à venir.
Ahmed : Quand on nous a annoncé que l’on serait potentiellement confinés, nous devions partir en Russie. Je n’avais pas envie, je savais que l’on serait bloqués, j’avais prévu plein de choses, pleins de changements. Quand à 6h du matin, j’ai vu que l’on ne partait pas, j’étais soulagé. Derrière, nous avons été confinés, et étonnamment, j’étais content de passer du temps chez moi. J’adore cuisiner, faire des choses, et j’ai retrouvé un lien plus étroit avec mes enfants, ma femme. Le confinement, en tant que tel, était un moment agréable pour moi ; mais très rapidement, tu te remets dans le travail. Le travail d’assistant est un métier où tu dois t’exercer. Très vite, je me suis dit qu’il fallait que je profite de cette période pour gagner du temps, pour regarder des matchs, suivre des webinaires. Nous travaillons les vidéos sur SportCode, et ce temps en plus m’a permis de faire des réunions pour optimiser ma pratique du logiciel… J’ai développé des choses en préparant au maximum la saison à venir. C’était bien, parce que je n’avais jamais eu le temps de le faire auparavant. Je me suis tout de suite trouvé dans le grand bain la saison dernière… Je savais où je voulais aller, ce que Thibaut attendait, ce que les filles attendent. Cette période m’a fait prendre du recul pour gagner en efficacité. Je sais aussi que, la saison prochaine, je veux mettre à profit le fait de ne jouer qu’un match par semaine pour faire des choses que je n’avais pas le temps de faire la saison dernière. Je veux amener plus de précisions, plus d’informations aux joueuses et à Thibaut. Je veux faire une formation en statistiques avancées afin d’apporter encore plus. C’est très important à mes yeux que les joueuses aient toutes les billes en main… Le confinement a vraiment été pour moi une période d’échange avec des confrères pour travailler pour la saison prochaine.

BLMA :  Ahmed, si tu devais te projeter dans 5 ans, comment visualises-tu ton avenir professionnel ? 
Ahmed : Je me vois toujours dans ce milieu. J’aimerai continuer le plus longtemps possible, vivre de nouvelles expériences, comme assistant ou head coach, peu importe, mais vraiment avoir cette possibilité de grandir. C’est très important à mes yeux. J’estime que je suis un privilégié. Avant, j’étais fonctionnaire mais maintenant, j’ai la chance de faire un métier par passion. A partir de ce moment-là, j’estime avoir tout gagné. Quand je me lève le matin, je n’ai pas mal au ventre à l’idée d’aller travailler. Je n’ai pas de stress, enfin si, un stress lié au métier que j’exerce, mais ce n’est pas le même. J’ai eu des moments difficiles dans mon métier de fonctionnaire, j’en ai ici également, mais le fin mot de l’histoire n’est pas le même. Il n’y a que douze assistants en LFB. Je suis privilégié, et je n’ai pas le droit de prendre ça à la légère. Il faut que je sois performant, que je sois bon. C’est ça qui fera que je pourrai perdurer. Je ne suis pas là pour faire une ou deux saisons, je veux que mon travail s’inscrive dans la durée, mais ce seront mes efforts et mes résultats qui feront que je pourrais y arriver.

BLMA : Nous te laissons le mot de la fin 
Ahmed : Reprise, ballon, entrainement, salle, match… Vivement tout ça ! Focus sur la saison prochaine. Je n’ai pas arrêté. Les vacances me stressent, je trouve qu’il y a un truc de pas net, donc oui, vivement la saison prochaine !!!

 

L’ensemble du club remercie Ahmed pour sa disponibilité ! On a hâte de te retrouver.